Black Box Diaries X The Last Showgirl
Alex Masson
En 2015, on ne parlait pas beaucoup du mouvement #MeToo. Encore moins dans un Japon ancré depuis le confucianisme dans un moule laissant peu de place et de droits aux femmes. Cette année-là, Shiori Itō, une jeune journaliste stagiaire, pensait qu'accepter de passer la soirée avec Noriyuki Yamaguchi, le PPDA local, pourrait lui ouvrir certaines portes. Une bonne partie du Japon lui a fermé les siennes, quand elle a décidé de porter plainte contre lui pour viol. Plus encore quand Yamaguchi était un proche du premier ministre. Itō a pour autant persévéré dans sa démarche, qu'elle documente dans Black Box Diaries, récit de son combat juridique. Il tient évidemment d'une lutte façon pot de terre contre de pot de fer, aucun obstacle n'étant épargné à la plaignante, mais Black Box Diaries raconte surtout une histoire plus globale que ce cas particulier, quand Itō se retrouve en position de crime de lèse-majesté pour avoir osé révéler publiquement ce qui lui est arrivé en dépit de toutes les preuves flagrantes. Black Box Diaries reprend le fil de cette affaire à la manière d'un carnet de bord étonnant quand il se fait à la fois témoin du courage d'une femme qui ne voulait pas se taire et portrait d'une société qui commence à peine à parler. Ce cas a contribué à quelques modifications de la législation japonaise sur le viol, mais à ce stade, Itō, en dépit d'un premier procès gagné, reste vilipendée dans son pays au point de s'en être exilée. Black Box Diaries, lui, a clamé son édifiante histoire dans les quasi 160 pays où il est sorti. Sauf au Japon, où aucun distributeur ne s'est à ce jour risqué à le projeter.
En 2015, Pamela Anderson est encore prisonnière de son image de bimbo. Son rôle dans Alerte à Malibu, comme sa sextape, restent les seuls titres de gloire de l'actrice, plus visible dans la presse people qu'au cinéma. Il lui faudra dix ans de plus pour trouver un rôle d'envergure. On pourrait presque parler de rôle de sa vie avec The Last Showgirl, la danseuse d'une revue de Las Vegas qui s'arrête après trente ans de représentation résonne forcément avec la trajectoire d'Anderson passée sous les projecteurs sans avoir été vue pour ce qu'elle était, au-delà de son physique. Équivalent pour elle de ce que fut The Wrestler pour la réhabilitation de Mickey Rourke, The Last Showgirl va voir derrière le miroir aux alouettes et paillettes avec une lucidité crève-cœur, autant pour raconter le prolétariat d'un show-biz décati – via une foultitude de personnages impeccablement joués notamment par Jamie Lee Curtis et Dave Bautista – que pour démontrer qu'on est passé à côté d'une comédienne de premier ordre, faute d'avoir eu la chance de trouver son John Cassavetes ou son Robert Altman. Mais aussi qu'à l'image de Shelly, cette danseuse qui croit encore à son métier ou cette séquence d'ultime audition sur fond du bien nommé "Total Eclipse of the Heart". Il est peut-être trop tard pour un come-back, The Last Showgirl indiquant tristement que les lumières ne se rallumeront sans doute plus.
Black Box Diaries, The Last Showgirl. En salles le 12 mars.